Tuesday, October 25, 2011

Attention Spoiler : Les demoiselles de Rochefort






 Pour ceux et celles qui, comme moi avant lundi soir à la Cinematek, ne l'auraient pas vu, Les Demoiselles de Rochefort (1966) raconte comment  la vie de deux jumelles émancipées, vivant en province et rêvant de Paris et du grand amour, d'un homme idéal avec ou sans défaut, peut changer en 3 jours. Catherine Deneuve et Françoise Dorléac, les deux soeurs à la vie comme à l'écran, dégagent la puissance de deux lionnes en cage quand elles sont filmées dans leur appartement.
Ce chef-d'oeuvre est filmé sur un air de liberté très sixties mis en scène sous forme de comédie musicale. Et quand les acteurs ne chantent pas, les dialogues riment et swingent. La première scène, canon et ambitieuse, annonce un hymne à la joie et au bonheur. 




 On pourrait croire, à raison, qu'un film de  Jacques Demy est un festival de couleurs, d'arc-en-ciel en veux-tu en voila. Or, dans les plans les plus importants,  il n'y a la place que pour très peu de couleurs différentes.
Observons les couples : si l'homme et la femme portent des tons opposés, voire une couleur froide versus une couleur chaude, on sait que le couple ne survivra pas plus loin que cette séquence. Au contraire, lorsque Solange retrouve son mystérieux étranger chez Monsieur Dame (un nom pareil, il fallait oser le running gag), on aura remarqué qu'elle porte une robe blanche au liserait mauve, ce même mauve que le col de son polo blanc à lui. Au même moment, une autre partie de notre cerveau sait très bien qu'ils se marieront et auront beaucoup d'enfants.
Si l'on se repasse la scène où Solange va acheter du papier à musique chez Monsieur Dame (encore lui : "Sol comme la clé de Sol, et Ange comme un Ange"). Elle entre dans SON univers à lui. Tout n'est que blanc et bois, comme les instruments qu'il vend. La musique c'est sa vie. A elle aussi d'ailleurs. Sauf qu'à ce moment précis, elle entre dans son univers, et la couleur de sa robe explose complètement dans cet espace si sobre, blanc et brun. A quoi cette symbolique de couleur peut-elle bien servir à part représenter le choc que Solange est en train de créer dans la vie de Simon Dame?
Aussi, les jumelles et leur mère portent la même robe, mais dans des tons différents. La styliste s'est pas trop foulé, pourrait-on penser? En réalité, tout est calculé! Si elles portent la même robe, c'est pour renforcer leur cohésion et leur complicité. D'ailleurs elles ne sont pas exactement les mêmes. La coupe reste identique mais chacune à sa couleur et les détails varient (manches, plissé intégré, la combinaison qui dépasse, ...).

 A savoir, Jacques Demy avait beau tourner en décors naturels, il ne se privait pas de repeindre les murs et les volets des maisons pour renforcer, à coup de pinceau, le rôle principal de son film (= celui ou celle dont le vêtement est de la même couleur que le mur du fond). Ici, on ne peut vraiment pas douter que Delphine et Solange donnent le ton et font danser tous les coeurs sous les battements des leurs.
De nos jours, à quelle porte faut-il frapper pour trouver un tel job de styliste? A Bollywood peut-être...
















Et pour en finir avec ce bref aperçu : deux coeurs, quatre prunelles, certes, mais aussi une fameuse règle de trois : trois prétendants pour chacune des jumelles (les 2 forains, le musicien, le marchand d'art, le marchand d'instrument de musique, le peintre poète), trois corps de métiers qui pavanent dans les rues (les marins, les militaires, les forains), et trois coeurs à prendre (Delphine, Solange, et leur mère).
3 x 3 = neuf, le chiffre du renouveau, qui, pour le coup est un bon présage. On aurait envie de l'appeler le chiffre parfait. Alors, du neuf, du neuf, du neuf?  Non du rétro, c'est tellement beau...








Toutes les photos ont été extraites du dvd des Demoiselles de Rochefort de l'intégrale de Jacques Demy (Cine Tamaris - Arte Video).

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